vendredi 4 novembre 2011

Article : Marsactu


Les salariés d’Hersant n’iront pas tous au paradis (fiscal)

La dernière une de Paru Vendu.
Le plus grand plan social depuis deux ans. 1650 salariés licenciés. Voilà l’exploit que vient de réaliser Philippe Hersant, le patron et actionnaire du Groupe Hersant Média (GHM), suite à la liquidation hier après-midi à Lyon de la Comareg, sa filiale de presse d’annonces, qui édite notamment le gratuit Paru-Vendu.
Une information dont vous n’entendrez sans doute pas vraiment beaucoup parler dans La Provence, dont l’actionnaire est également GHM, même si plusieurs dizaines de salariés de Paru-Vendu basés à Marseille sont également concernés. Et une annonce faite quelques jours du projet de regroupement de La Provence et de Nice Matin avec le groupe belge Rossel, l’éditeur en France de La Voix du Nord. Un scénario à la grecque pour GHM. Et qui pourrait avoir des incidences sur ce futur deal « belge ». Retour sur une descente aux enfers.
2003, 2008 : la belle affaire
On s’en souvient : fin 2007, Philippe Hersant fait une belle opération en rachetant La Provence et Nice Matin au groupe Lagardère pour 160 millions d’euros. Au nez et à la barbe de plusieurs autres acheteurs dont le fonds d’investissement anglais Mecom, spécialisée dans la presse locale. Un beau coup. A l’époque, comme le rappelait récemment la Lettre A, tous les grands banquiers de la place faisaient la queue rue de Presbourg à Paris, au siège de GHM pour financer cette acquisition.
« La fine fleur de la finance était alors impressionnée par le magnifique cash-flow de la Comareg« . Ce leader de la presse gratuite en France avait été racheté en 2003 par France-Antilles, comme s’appelait alors le Groupe Hersant Média. La Comareg (« Communication pour les Marchés Régionaux ») est une véritable success-story française. C’est Paul Dini, un jeune HEC stéphanois qui invente ce concept de journal hebdomadaire d’annonces gratuites en 1968, en lançant le premier numéro dans la ville de Grenoble, le « 38″.
Le succès est rapide, les villes s’ouvrent les unes après les autres , le 74 à Annecy, le 69 à Lyon… Un empire de la presse gratuite se crée en quelques années. Après l’avoir introduit en Bourse, Paul Dini la cèdera en 1988 au groupe Havas, que son actionnaire Vivendi vendra rapidement à la Socpresse, pour terminer dans l’escarcelle de Philippe Hersant qui l’achètera en 2003, pour 120 millions d’euros. A l’époque une très, très belle affaire là aussi.
Les héritiers du Papivore
Premier beau deal pour celui qui à l’époque n’est qu’ »un fils de ». Son père Robert Hersant, surnommé le « Papivore », a régné pendant des années sur la presse française, nationale et locale. Le Figaro, l’Aurore, France-Soir, le Dauphiné Libéré… tout ça c’est RH. A sa mort ses nombreux héritiers, nés de trois mariages différents, récupèrent l’empire, mais aussi les dettes qui vont avec. Car RH, a toujours eu le carnet de chèque facile, malgré des journaux souvent déficitaires. Ses banquiers, compte-tenu de sa très forte influence politique – il fût longtemps député – n’osaient pas vraiment lui refuser grand chose.
La plus importante filiale, la Socpresse qui édite entre autres le Figaro, le Dauphiné Libéré, Presse Océan est cédée à Serge Dassault pour payer les droits de succession et les enfants du Papivore conservent de leur côté France-Antilles, une autre branche de l’empire qui possède des journaux dans l’outre-mer comme Tahiti-Infos, le Journal de l’Ile de la Réunion, ou France-Antilles Martinique et Guadeloupe, qui a donné son nom au groupe. Mais aussi des actifs dans la presse quotidienne régionale en métropole : L’Union de Reims, Paris-Normandie et l’Est Eclair.
Plus belle la vie
France-Antilles, détenu donc par les héritiers de RH qui placent à sa tête leur cousin, l’énigmatique Philippe Hersant. Un drôle de patron de presse qui fuit les journalistes, semble être d’une timidité maladive, et qui vit planqué dans une très belle propriété au bord du Lac Léman, car son goût immodéré pour la discrétion et pour les chocolats l’a poussé à devenir résident Suisse en 2003. Il a en a profité pour faire un peu de shopping et se constituer sans ses cousins un sympathique petit groupe de presse « Editions Suisse Holdings ».
En ce début d’année 2008, tout va donc très bien pour Philippe Hersant : il est en train de se construire un beau groupe de presse régionale, avec la prise de La Provence et de Nice Matin, il investit dans les télévisons locales, à Grenoble, à Nîmes, mais aussi à Marseille où le quotidien de l’avenue Salengro détient 17 % de LCM, rachetés aussi au groupe Lagardère.
La Comareg continue elle de faire remonter beaucoup de cash à la holding GHM. C’est l’Istréen Michel Moulin, qui après avoir revendu son groupe de presse gratuite Paru-Vendu à Philippe Hersant prend la tête de la Comareg. Cet ancien joueur de foot, qui rêve de racheter l’OM – et est aujourd’hui patron du 10 Sport – est un commercial né. Bonne pioche là aussi pour Hersant. Il ne publie pas ses chiffres, mais son groupe n’est pas très loin du milliard de chiffre d’affaires en 2007. La vie est belle.
Le feu au Lac
Pas pour longtemps, car le feu commence à couver de l’autre côté du Lac. Réfugié dans son exil suisse, accroché à ses cash-flow, Hersant ne s’aperçoit pas que sa vache à lait est malade, attaquée par les nouveaux acteurs de l’Internet. En quelques mois, Le Bon Coin, Seloger.com, vont récupérer le business des petites annonces. Elles sont publiées gratuitement, alors qu’elles restent payantes dans Paru-Vendu et le web permet une rapidité de diffusion et une audience bien supérieures à celles du papier.
La crise n’arrange pas les choses qui plombent aussi ses quotidiens régionaux. Les patrons giclent. Dans la holding Frédéric Aurand, le président du directoire, est remplacé par Dominique Bernard. Les PDG de Nice Matin et de La Provence sont aussi remerciés. Michel Moulin quitte la Comareg, où les plans sociaux se succèdent. De 3000 salariés en 2008, ils ne sont plus que 1650 en 2011. Mais les pertes s’accumulent et les banquiers s’agitent, Hersant risquant de ne pas pouvoir rembourser sa dette de près de 250M€.
Il faut vendre rapidement des actifs pour faire rentrer du cash. Le Journal de l’ïle de la Réunion est cédé. Puis Médiapost, une filiale de la Comareg, les télés locales et une participation dans le Républicain Lorrain. Mais ce n’est évidemment pas suffisant face aux 20M€ de perte d’exploitation de la Comareg en 2009. La vache à lait est devenue un boulet, qui risque d’entrainer GHM vers le fond. En ce début de l’été 2011 le groupe est au bord de l’agonie. Les banquiers, dont ceux de BNP et de Natixis sont de plus en plus nerveux.
Un trait sur la dette
Philippe Hersant va alors vite se réfugier chez les énarques de Bercy, au ministère de l’Economie et des Finances, au CIRI (comité interministériel de restructuration industrielle), qui a pour mission d’essayer de sauver du naufrage les entreprises en grande difficulté de plus de 400 salariés. Son plan est le suivant : apporter ses actifs « sains », c’est à dire La Provence, Nice Matin et l’Union de Reims à une société commune avec le belge Rossel, qui apporterait lui les 65% qu’il détient dans la Voix du Nord. Et créer ainsi le 3e groupe français de presse régionale, détenu à 50/50 avec les Belges mais dont le management serait confié à ces derniers. Le problème est que Rossel ne veut pas récupérer les dettes de GHM dans la corbeille de la mariée.
Philippe Hersant demande donc au Ciri de faire pression sur ses banquiers afin qu’ils acceptent d’abandonner 100M€ de dette, soit à peu près la moitié. C’est ça ou le chaos. Le fameux scénario à la grecque. Et forcément il fait beaucoup tousser. Sachant qu’ il va y avoir de la casse sociale. Et de la grosse. Car chacun sait que la Comareg va mourir, puisqu’aucun repreneur sérieux ne s’est manifesté. Et comme Hersant ne veut plus renflouer sa filiale de presse gratuite, la liquidation est inévitable, et c’est l’Etat qui risque de devoir en partie supporter les coûts liés à la fermeture.
Le patron de Bercy François Baroin a beau être le maire de Troyes, siège de l’Est Eclair, un des quotidiens de GHM, beaucoup à Bercy commencent à trouver l’addition un peu lourde à avaler. Surtout quand elle est présentée par un résident fiscal suisse. Car le scandale n’est pas loin. On ne peut sans doute pas reprocher à Philippe Hersant de n’avoir pas réussi à sauver la Comareg. Les autres groupes de presse gratuite en France ont eu les mêmes difficultés. S3G, filiale du groupe Sud-Ouest, a déposé son bilan l’an dernier. Spir – le concurrent bâti par Claude Léoni, un entrepreneur de la région (son siège est toujours aux Milles) – s’est pour l’instant tiré d’affaire grâce à la vente de sa participation pour 200M€ qu’il détenait dans leboncoin.fr, et grâce à 20 minutes, dont le groupe Aixois possède 50%
Philippe qui pleure, Hersant qui rit
En revanche à l’heure où 1650 salariés vont être mis au chômage, beaucoup – à Paris, à Bercy et au siège de plusieurs banques, ainsi qu’à Lyon au tribunal de Commerce qui va suivre la liquidation de la Comareg – commencent à trouver anormal que Philippe Hersant ne mette pas aussi la main à la poche à titre personnel. Patron, il a toujours bénéficié en France d’une partie du milliard d’euros annuels « d’aides à la presse », grâce aux impôts des contribuables français, mais il préfère à titre personnel la douceur de la fiscalité helvétique et gérer son petit groupe de presse suisse qui lui avec près de 90 millions de francs suisse de chiffre d’affaires se porte comme une Edelweis au printemps.
Et pendant que Hersant pleure à Bercy, les patrons de ses journaux suisses, comme L’Impartial, La Côte où le Nouvelliste, font le tour du Lac Léman pour expliquer que les deux dossiers sont étanches, comme le déclarait l’an dernier Jacques Richard l’administrateur délégué de Editions Suisse Holdings au journal Le Temps « ESH présente un chiffre d’affaires consolidé de 93 millions de francs. Et nous avons un cash-flow plus que correct. Je pense qu’il se situe dans le trio ou le quintette de tête du secteur de la presse. Je vous assure qu’il n’y a pas de vase communicant avec GHM.» Les 1650 nouveaux chômeurs de la Comareg apprécieront.

4 commentaires:

  1. Un, si ce n'est le meilleur article, que j'ai pu lire BRAVO.

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  2. Une erreur. Comareg n'a jamais été vendu à la SOCPRESSE par vivendi. Par contre Messier s'est bien servi de Comareg pour mener à bien ces opérations financiére. Vivendi a commencer à casser cette entreprise avec la fin de Delta diffusion, en créant hebdoprint, en créant la marque bonjour alors que celle ci avait été déposé, avec scoot(une histoire de potes).

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  3. Dites moi...Pk certains journaux sont imprimé en Espagne ? que certains produits sont acheté via cadeaux interressant et la récupérations est a bon profit. voir la suite

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