09/11/2011
A saisir : "Paru Vendu", faire offre sous quinzaine
SOCIAL - (paru hier dans l'édition papier de Libé). Sans repreneur crédible, le journal d’annonces Paru Vendu disparaîtra. L'éditeur employant 1650 personnes, ce sera le plus gros plan social de l’année.
Paru Vendu, leader français de la presse gratuite d’annonces, va-t-il renaître de la volonté de ses salariés ? Certains y travaillent en tout cas. Jeudi, l’entreprise a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon. Hier, les personnels de l’imprimerie de Lomme (Nord) se sont réunis en assemblée générale pour étudier un «projet de reprise d’activité».
«On le présentera au mandataire judiciaire avant le 18 novembre», précise Michel Durand, délégué CFDT d’Hebdoprint, branche imprimerie du groupe Paru Vendu. Le tribunal de commerce a en effet assorti sa décision d’une autorisation de la poursuite d’activité pour quinze jours et d’un maintien des administrateurs judiciaires pour le traitement des offres de cession éventuelles.
Apogée. Avec la disparition de Paru Vendu, ce sont en tout quelque 1 650 salariés qui se retrouvent sur le carreau. S’y ajoutent les 800 remerciés en juin. «1 600 personnes dehors, c’est le plus gros plan social de l’année en France», souligne une commerciale. A l’origine de la Comareg, société éditrice deParu Vendu, il y a l’intuition d’un homme d’affaires, Paul Dini. En 1968, celui-ci crée le 69, le 38, le 13,des journaux d’annonces gratuits baptisés du chiffre des départements qu’ils couvrent. En 1988, Paul Dini revend la Comareg à Havas. Michel Moulin, le directeur national des ventes, a l’idée de regrouper les différents titres sous le label Paru Vendu.
En 2003, le Groupe Hersant Médias (GHM) rachète le bonhomme et les gratuits. A son apogée, la Comareg publie 280 éditions locales qui tirent à plus de 19 millions d’exemplaires et emploient 3 200 salariés. A partir de 2008, le chiffre d’affaires chute. Il passe de 348 millions d’euros à 227 millions en 2010. Dès 2009, l’entreprise est dans le rouge avec une perte de 30,9 millions d’euros.
Les comptes non consolidés pour 2010 devraient révéler des pertes d’un même niveau. Que s’est-il passé ? L’entreprise «ne répond plus aux défis technologiques actuels et a perdu du temps à une époque», analyse l’administratrice judiciaire Laurence Lessertois. Paru Vendu a été accusé d’avoir raté le virage d’Internet, et de ne pas avoir anticipé le basculement de la presse d’annonces sur le Web. Michel Moulin refuse cette explication et accuse le groupe Hersant d’avoir «cassé le produit» en stoppant la distribution dans les boîtes aux lettres, en mégotant sur la qualité du papier, en diminuant le tirage des journaux afin d’économiser les coûts. En novembre 2010, la Comareg et Hebdoprint sont placés en redressement judiciaire pour la première, en sauvegarde pour le second. Michel Moulin fait une offre de reprise avant de se rétracter. «Quand je suis parti, nous faisions 400 millions d’euros de chiffre d’affaires, trois ans après, il ne reste plus rien», explique-t-il.
Casse. L’amertume des salariés vient aussi du silence des politiques et des médias devant une casse d’une telle ampleur. Selon eux, le gouvernement et l’Elysée auraient couvert la mauvaise gestion de groupe : «Philippe Hersant [propriétaire du titre et héritier de feu le magnat de la presse Robert Hersant, ndlr] est un ami politique de François Baroin [le ministre de l’Economie], il a organisé un blocus de l’information. Si l’affaire avait été plus médiatisée, peut-être que cela aurait obligé Hersant à remettre des billes.»
Le propriétaire du titre affirme avoir «consacré 53 millions d’euros au soutien de la mutation de son pôle presse gratuite depuis 2008» et ne pas vouloir «mettre en péril ses activités dans la presse quotidienne régionale». La dette de Groupe Hersant Média est estimée à plus de 200 millions d’euros.
Catherine Coroller
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