dimanche 4 décembre 2011

LETTRE OUVERTE

Madame PUIFOURCAT Emmanuelle
Future ex-salariée Paru Vendu
Future stagiaire de la formation dans le cadre du CSP
Future demandeur d'emploi non comptabilisé
Déléguée CGT Hebdoprint

Le 3 décembre 2011

LETTRE OUVERTE A MESDAMES ET MESSIEURS LES DEPUTES
ET A MESDAMES ET MESSIEURS LES SENATEURS

Mesdames, Messieurs,

Je fais partie des quelques 1650 salariés qui se voient privés de leur emploi du jour au
lendemain par la mise en liquidation de Paru Vendu.

Je me permets de vous adresser cette lettre car je me dois de m'accrocher à un espoir quant à
l'avenir sombre qui se dessine pour moi et mes anciens collègues.

Beaucoup d'entre nous vont certainement adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle
d'abord je pense, pour le maintien du niveau de rémunération proposé par ce dispositif, car nous
avons tous des charges auxquelles nous devons faire face. Depuis plusieurs années d'ailleurs, c'était
de plus en plus difficile de faire face à toutes ces charges qui n'ont fait qu'augmenter alors que nos
salaires n'ont fait que stagner, mais avoir le choix entre percevoir 80% du salaire brut et 57,4% du
même salaire, le choix est vite fait !

Je me permets de vous rappeler que nous n'avons rien demandé et surtout pas à nous faire
licencier, que notre entreprise Hebdoprint (parce que c'était bien la nôtre vu l'investissement qui a
été le nôtre) se portait bien tant que la partie commerciale de Paru Vendu, la Comareg, ramenait du
travail. Et même lorsqu'il y a eu moins de travail, la Comareg dégageait encore 140 millions d'euros
de chiffre d'affaire !

Mais Monsieur Hersant n'en avait que faire de la presse gratuite d'annonces, qui pourtant lui
a rapporté plusieurs millions pendant plusieurs années. Le groupe GHM n'existe que parce que les
salariés en ont fait ce qu'il est. C'est bien le travail qui est la richesse d'une entreprise et ce sont bien
les salariés, par leur travail, qui font cette richesse.

Ces millions apportés par Comareg ont permis à Monsieur Hersant et à GHM d'acquérir la
presse payante du Pôle Sud mais également d'investir (à titre privé cette fois) dans la presse payante
Suisse (il devient le 2e éditeur en Suisse, son pays d'exil), voire même de faire rénover et entretenir
le golf familial en Normandie !

Monsieur Hersant, actionnaire principal du Groupe Hersant Média, voulait peut-être sauver
sa presse payante et ce serait tout à son honneur s'il n'y avait pas le sacrifice des presques 3000
salariés Paru Vendu sans compter les milliers d'autres salariés qui composent encore GHM
aujourd'hui et qui risquent aussi de se retrouver dans la même situation que nous dans peu de temps.
Il fallait donc supprimer de l'équation la presse gratuite d'annonces. Et cela a été orchestré de
mains de maîtres et de façon progressive (d'abord le redressement judiciaire puis la liquidation sous
couvert de mandataire ad-hoc et d'administrateurs judiciaires qui sont d'ailleurs les mêmes) afin
qu'on ne puisse pas accuser Monsieur Hersant de mauvaise gestion d'entreprise. Ce qui pourtant est
le cas depuis plusieurs années.

C'est maintenant chose faite, l'équation est “résolue”, les discussions entre le groupe GHM,
les banques, le groupe de presse belge Rossel et l'Etat peuvent reprendre.

Les banques “effacent” 50 millions d'euros de la dette GHM, que vont-elles faire pour nous,
les salariés que Philippe Hersant vient de priver d'emploi ? Elles devraient envisager aussi un
abandon d'une partie des “dettes” des salariés (prêts immobiliers, prêts à la consommation, agios,
découverts bancaires car au 3 décembre nous ne sommes toujours pas payés par les AGS via le
liquidateur judiciaire pour la période du 1er au 21 novembre 2011) pour les remettre sur le compte
de Philippe Hersant. Alors que la Commission Interministérielle de Restructuration Industrielle
(CIRI) négocie avec les banques pour les grands patrons, personne ne négocie pour les salariés avec
leurs banques, qui sont victimes des choix purement financiers que font leurs patrons et dans le cas
du groupe GHM, fait supporter le poids social et financier de ces choix aux pouvoirs publics.
Aujourd'hui, nos métiers disparaissent et il va donc falloir que nous options pour des
reconversions. Mais une reconversion, c'est de la formation longue et qualifiante.

Le CSP prévoit 12 mois à 80% du salaire brut, ce qui pourrait être rassurant pour entammer
une formation. Le problème c'est qu'avant d'en arriver à savoir quelle formation, nous allons avoir
besoin de faire un deuil extrêmement difficile puisque nous avons été jetés comme des chiens puis
de faire très certainement des bilans de compétences et de trouver nos formations mais aussi des
financements.

Certes, le Pôle Emploi, avec ses maigres moyens, nous aidera dans ces démarches ainsi
qu'un cabinet de reclassement dont Monsieur Xavier Bertrand a annoncé le 1er décembre, lorsqu'il
nous a reçu au ministère, le financement pour une durée de 6 mois en parallèle du dispositif CSP.

Nous sommes bien loin du RECLASSEMENT EXEMPLAIRE de ses récentes
déclarations, avec un accompagnement de qualité et 98% du salaire brut !

Par exemple : le CSP démarre fin décembre 2011, le bilan de compétences est prévu sur 2
mois, cela nous amène fin février, les sessions de formations ont lieu en règle générale en mars et en
septembre mais les places sont restreintes du fait notamment, là encore, du manque de moyens des
organismes de formations. Donc dans le meilleur des cas, on obtient une formation d'un an qui
démarre en septembre 2012 et fin décembre 2012, on ne se retrouve qu'avec 57,4% d'indemnités
puisque nous balculons dans le régime normal. Sauf que la formation doit permette un réel retour à
l'emploi, il faut donc qu'elle soit abordée l'esprit tranquille et dans de bonnes conditions en terme de
durée (entre 12 et 24 mois sont nécessaires à une réelle reconversion)... Croyez-vous vraiment que
ce sera le cas lorsqu'on ne sera indemnisé qu'à hauteur de 57,4% jusqu'à la fin de la formation et
jusqu'au retour à l'emploi ? S'interroger pendant 9 mois sur la façon dont on va pouvoir nourrir sa
famille ne favorisera pas les reconversions...

Peut-être prendrons-nous l'option de ne finalement pas nous former et de prendre le premier
boulot précaire que nous trouverons ? Ou alors nous lancer dans une formation accélérée ou
fractionnée (comme l'a éventuellement suggéré Monsieur Xavier Bertrand le 1er décembre “les
formations longues sont trop longues”) pour devenir infirmière par exemple et sans garantie aucune
d'un retour à l'emploi par manque de formation qualifiante ?

Ce serait donc ça nos avenirs ? Je vous le demande Mesdames, Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs ?

Est-ce tout ce dont notre pays est en capacité de nous offrir ? Les pouvoirs publics sont-ils
en train de nous demander de courber l'échine et de tirer un trait sur tout ce qui faisait nos vies
jusque-là ? L'Etat va-t-il aussi nous sacrifier comme l'a fait Philippe Hersant ?

Nous ne demandons pas d'assistanat. Nous ne demandons que ce qui est inscrit dans la
constitution : un travail... Mais un travail qui nous permette de nourrir nos familles pas une
succession d'années de galère entre CDD, intérim, chômage... Est-il si incompréhensible de
réclamer qu'on nous laisse notre dignité ?

Monsieur Xavier Bertrand nous a dit, le 1er décembre, qu'il ne pouvait pas changer la loi sur
le CSP, c'est pourquoi nous vous demandons, à vous, de la changer et de l'améliorer en
garantissant le maintien du salaire pendant toute la durée des formations avec un minimum
de 24 mois.

Le Pôle Emploi n'a pas suffisamment de moyens pour effectuer avec nous toutes les
démarches que nous allons devoir faire (un premier entretien d'une heure puis un entretien de 20
minutes pas mois). L'accompagnement dont nous avons besoin est un accompagnement dans lequel
nous pourrons avoir confiance parce que nous ne serons pas qu'une signature à apposer au bas d'un
formulaire. Et pour un accompagnement de qualité, il faut y mettre les moyens financiers
nécessaires notamment sur la durée.

Enfin, Monsieur Xavier Bertrand nous dit qu'il ne peut pas traduire Philippe Hersant en
justice mais s'il existait une loi, que vous proposeriez dans les jours qui viennent, qui le permettait,
vous le pourriez, et notamment dans les instances européennes, et la justice pourrait condamner
Philippe Hersant à rembourser l'Etat en plus d'avoir à verser des indemnités pour préjudice à
tous ses anciens salariés.

Vous pensez peut-être que notre approche est idéaliste, je vous rassure elle l'est... Pour
autant, elle n'en ai pas moins juste, au contraire.

A quoi sert l'Etat s'il ne protège pas et ne défend pas les intérêts de chacun de ses
concitoyens car c'est bien l'intérêt de chacun qui fait l'intérêt général.

Je terminerai par une citation d'un député qui a marqué l'histoire, Maximilien Robespierre
disait en avril 1791 :
“Le peuble ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité ; les riches
prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer. Les abus sont l'ouvrage et le domaine des
riches, ils sont les fléaux du peuple ; l'intérêt du peuble est l'intérêt général, celui des riches est
l'intérêt particulier.”

Il nous semble que c'est toujours d'actualité et nous vous demandons de faire en sorte que
cela appartienne au passé.

Mesdames, Messieurs les Députés, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, vous êtes
maintenant ceux qui pouvez nous rendre notre dignité et nous rendre justice.

8 commentaires:

  1. super!!tres bien rediger

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  2. Félicitations pour cette lettre qui reprend bien la situation que nous vivons... et merci pour les actions menées depuis un certain temps. Il ne faut rien lâcher et vraiment envisager une action contre Monsieur HERSANT. Restons solidaires, nous serons plus forts et aurons plus de chance que des actions soient menées contre lui. Nous attendons des informations de la part de l'avocat de COMAREG. Nous pourrons alors nous mobiliser. L'abandon d'une partie de la dette est vraiment une honte. Ne baissons pas les bras.

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  3. magnifique courrier , bravo, si les destinataires du courrier ne comprennent pas

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  4. Félicitation d'abord pour cette lettre et pour tout ce que vous avez fait pour nous défendre et nous soutenir. Je suis de tout coeur avec vous et je suivrai pour toutes actions entreprises contre ces gens qui nous aménent à la misère sans état d'âme.

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  5. Félicitations pour cette lettre, et merci pour ce que vous faites pour nous tous, vous nous donnez beaucoup d'espoir pour un avenir meilleur.

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  6. Félicitation et merci pour votre engagement.
    La Comareg faisait encore il y quelques semaines plusieurs millions de chiffres d'affaires par semaine, mais l'incompétence des décideurs n'a fait qu'enfoncer la société. Chaque année depuis 2009, il y a eu au moins un audit ! Une société, quelque soit son activité doit être en perpétuel mutation, elle évolue comme la clientèle, les techniques, les produits, c'est normal. Mais aujourd'hui de nombreuses sociétés sont dirigés par des gestionnaires, des comptables, des investisseurs, et malgré l'aide à la décision qu'ils tentent d'obtenir par des audits, et l'embauche de dirigeants et décisionnaires aux CV et aux diplômes "impressionnant", ils ne maîtrisent rien car ce ne sont pas des professionnels (dérivé du mot profession, métier, comme wikipedia l'indique : Le professionnel est une personne spécialisée dans un secteur d'activité et exerçant une profession ou un métier. Le professionnalisme caractérise la qualité du travail de quelqu'un ayant de l'expérience.). Et ce sont ces patrons qui croulent les sociétés, aussi solides soient-elles au départ, riche d'un personnel impliqué, formé, professionnel. La Comareg et Hebdoprint regroupaient des professionnels de la publicité, de l'édition, du web, de la création, de l'imprimerie, des métiers du livre et des journaux, elles ont été sacrifiés par des professionnels du gain. Quel gâchi !

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  7. Quel gachi,et que de mensonges, apres xavier bertrand et biens d'autres, c'est au tour du liquidateur walsack qui dans notre lettre de licenciement nous donne comme motif de liquidation -c'est la faute à la crise. Et ce monsieur qui se lave les mains en écrivant qu'il tout fait pour trouver des solutions de reclassement. Que par sa toute puissance, il nous supprime notre clause de non concurrence- clause qui ne valait rien, car non payé. Apres tout j'aimerai qu'on nous la paye comme cela c'est fait pour des commerciaux démissionnant en
    octobre à qui la société la payée.

    Le foutage de gueule continue. ce monsieur n'est meme pas capable de répondre au recommandé.

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  8. Emmanuelle PUIFOURCAT écrit très bien, mais je ne suis pas d'accord avec ses idées de CGTiste.

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